Une conférence sur le cerveau de l'enfant.

Il y a quelque temps j'ai découvert cette conférence du Docteur Gueguen sur le développement du cerveau de l'enfant.

Après avoir terminé de la visionner, je me suis dit "Waou. Ce qu'on apprend dans cette vidéo devrait être connu par tout parent et éducateur!"

D'où l'idée d'en faire une retranscription synthétique (la vidéo dure presque deux heures) dans cet article.

La présentation de la pédiatre se résume selon moi à 5 lois qui gouvernent le cerveau de l'enfant. Les dernières recherches en neurosciences ont démontré que celui-ci était extrêmement plus fragile, immature et malléable que celui de l'adulte. En particulier avant cinq ans.

Les cinq premières années de vie sont donc les plus importantes dans le développement du cerveau, bien qu'il reste plastique après vingt-cinq ans. Vous êtes prêt.e à mieux comprendre votre enfant et l'aider à se développer? Bismillah

1. Le cerveau de l'enfant est axé sur les expériences

Une grande partie du cerveau dévolue aux relations

La génétique et l'environnement influent sur le développement du cerveau de l’enfant. L'épigénétique également: l'environnement social, physique et nutritionnel modifie les gènes. Mais ce sont les expériences qui ont le plus d'impact sur le cerveau.

Une grande partie du cerveau de l'enfant est dévolue aux relations sociales et affectives tout en étant les premières années de vie très vulnérable.

Le cortex orbito-frontal (COF), notamment, qui régule nos comportements sociaux, est encore immature. Son développement dépend des expériences vécues et est nécessaire pour entretenir des relations humaines satisfaisantes et avoir un sens moral, éthique.

L'impact de l'environnement social et affectif sur le cerveau de l'enfant

C'est pourquoi la relation avec les parents, l'entourage, va avoir un effet très profond sur le cerveau de l’enfant. Cette relation a un effet sur son comportement, son apprentissage, l’expression de ses émotions, sa santé, etc.

Si l'entourage est dur, non empathique, le cortex orbito-frontal se développe mal et dysfonctionne.

La relation idéale pour que l'enfant se développe bien est empathique, soutenante et aimante.

Le rôle de l'observation

L'observation du comportement des adultes entre eux et avec les autres enfants modifie également le cortex orbito-frontal de l'enfant.

Chaque fois que le petit observe "un grand" qui réussit à traverser un conflit émotionnel avec calme et justesse, les circuits de son cortex orbito-frontal se renforcent en répétant et en enregistrant la scène.

Ainsi, en répondant par exemple de façon juste et sereine devant un enfant en colère on aide les autres enfants présents à maturer leur cerveau.

Au contraire, si on ne le comprend pas, se met en colère, le punit, on empêche le cortex orbito-frontal de tous les enfants présents de se développer.

L'adulte a un rôle très important car l'enfant l'imite. Quand un enfant voit un adulte faire un geste violent son cerveau apprend à faire ce geste de violence. C'est la même chose pour les gestes de douceur.

2. Le cerveau émotionnel de l'enfant n'est pas régulé

L'enfant n'est pas capable de gérer seul ses émotions. Quand il est en colère il n’y peut rien. Il a besoin de l'aide de l'adulte pour comprendre, nommer ses émotions et se calmer. Son entourage fera qu'il saura gérer ses émotions ou non.

L'importance des émotions

Les émotions sont fondamentales pour le développement de l’être humain car elles nous renseignent sur nos souhaits et besoins les plus profonds. Elles sont biologiques, elles ne sont connotées ni en bien ni en mal.  

Les émotions, c’est la connaissance et la conscience de soi. La connexion avec nos émotions nous permet de faire les choix les plus importants de notre vie. Savoir les gérer est nécessaire.

Favoriser l’expression des émotions dès le plus jeune âge est donc fondamental dans la construction de l’être humain.

Le cerveau émotionnel, adulte vs enfant

Le cerveau émotionnel nous fait ressentir toutes les émotions. Il est tempéré par le néocortex, cerveau supérieur, pour que les émotions ne soient pas trop envahissantes. Il a le rôle régulateur des instincts de survie du cerveau archaïque en aidant à contrôler les réactions d’attaque et de fuite.

L’adulte est capable de nommer ce qu'il ressent, ce qui permet de calmer l’amygdale cérébrale (centre de la peur). Il a la capacité de de réévaluer la situation: face à quelque chose de difficile, une agression d’un parent, d'un collègue, il peut prendre du recul, analyser la situation.

Si le cortex préfrontal de l'adulte fonctionne correctement, cela lui permet de se calmer et prendre les bonnes décisions face à ses émotions, c'est-à-dire sans agresser l’autre, être sidéré ou fuir.

Chez l’enfant c’est différent, car son cortex est encore immature et ne lui permet pas de réguler ses émotions. En dessous de cinq ans ses cerveaux archaïque et émotionnel dominent. Il vit ses émotions comme de véritables tempêtes. Quand il pleure, il ressent un immense chagrin, sa peur est de l'angoisse.

Accueillir, comprendre l’émotion de l’enfant est donc très important car il n'est pas encore capable de saisir ce qui se passe en lui.

L’expression des émotions désagréables (colère, peur, tristesse, dégoût etc) est très bénéfique et permet d’apaiser, réguler le cerveau émotionnel et le stress.

Aider l'enfant à gérer ses émotions

L'entourage de l'enfant peut avoir un impact très positif sur le développement de celui-ci s'il sait:

  • Être empathique, c'est-à-dire sentir, comprendre ses propres émotions et celles de l'autre
  • Aider l'enfant à exprimer ses émotions sans jugement, en trouvant les mots justes pour décrire ces émotions
  • Apaiser l'enfant
  • Dire "non" avec tact

Ainsi, chaque fois que l'adulte rassure, sécurise, console un enfant par:

  • une attitude douce, chaleureuse, 
  • un ton de voix calme, apaisant
  • un regard compréhensif,

il fait maturer son cerveau en l'aidant à faire face à ses émotions et ses impulsions.

Si au contraire il laisse l'enfant seul, ne l'aide pas à se calmer, se met en colère, le punit, il empêche le COF de l'enfant de maturer et retarde l'âge de raison.

L'enfant risque alors de ne pas développer les connexions cérébrales nécessaires et n'arrivera pas à maîtriser ses émotions. Il aura des réactions violentes comme hurler, taper ou mordre.

Quand l'enfant se déconnecte de ses émotions

Les humiliations verbales et physiques sont particulièrement désastreuses. Par exemple, les phrases comme: « Arrête de pleurer », « Arrête ta colère » « Arrête ton cinéma » « T’es égoïste » « T’es paresseux » vont pousser l’enfant à se déconnecter de ses émotions pour ne pas souffrir.

Une fois adulte, il sera probablement incapable de vivre sereinement, de comprendre et de maîtriser ses émotions. Il vivra certainement des crises d'angoisse, d'agressivité et de dépression. Il aura beaucoup de difficulté à créer des liens affectifs et à éprouver de la compassion pour autrui.

3. Le cerveau grandit par l'usage du mouvement

Rire, s'amuser est très bénéfique pour le cerveau.

Jouer fait grandir les neurones

Lorsque l'enfant joue, il sécrète du BDNF (Brain-Derived Neurotrophic Factor), molécules de croissance des neurones. Ses intelligences sociale et émotionnelle se développent, ainsi que son équilibre psychologique.

C'est pourquoi en Finlande, l'après-midi, les enfants n'ont pas de "devoirs" à la maison, qui (avouons-le) stressent parents et enfants. Ils ont des activités ludiques à la place. Et ce jusqu'en Terminale!

L'importance du mouvement

Se dépenser physiquement permet à l'enfant de libérer ses pulsions motrices. Sauter à la corde, grimper, courir, danser, jouer à la marelle, est très favorable à son développement.

Si l'enfant ne peut exprimer sa vitalité en jouant, il peut alors devenir agité et anxieux. Il lui est impossible de rester toute la journée assis, concentré.

Jouer oui, surtout jouer dehors

L'enfant a besoin d'espace. Il aime jouer dehors, ce qui lui donne un sentiment de liberté. La nature, avec ses animaux, sa végétation, son ciel, ses étoiles, sa campagne, sa forêt, ses montagnes, sa mer, ses saisons, ses minéraux, est une source inépuisable d'émerveillement pour lui.

4. Le cerveau se développe avec un environnement maternant

Le maternage favorise le développement de l'hippocampe

L'hippocampe est une structure du cerveau émotionnel qui joue un rôle dans la mémoire et l'apprentissage. Il fabrique des neurones toute la vie. Lorsqu'on prend soin, sécurise, console un enfant, on favorise le développement de son hippocampe. Ainsi, une attitude soutenante, bienveillante donne un enfant qui apprend et mémorise très bien.

Si la mère soutient, encourage son enfant quand il est petit, son hippocampe augmente de volume.

Joan Luby

Pédopsychiatre

Le maternage réduit le stress chez l'enfant

Le système parasympathique du système nerveux apaise et régule les émotions.

D'après Michael Meaney, professeur spécialisé en psychiatrie biologique et en neurologie à l'université McGill, quand on console un enfant qui a du chagrin, le materne, on active le système parasympathique. Cela permet de réduire l'angoisse, la colère et le stress chez l'enfant.

Le maternage augmente la capacité de résilience chez l'enfant

D'après Catherine Marchi, "La résilience est la capacité qu'ont certains enfants à triompher des différents traumatismes qu'ils ont subis".

L'environnement familial, communautaire, amical est très important dans notre faculté de résilier. Quand on est bien, sécurisé dans notre enfance on peut faire face au stress.

Le maternage augmente le BDNF ou molécules de croissance des neurones

Le maternage augmente la sécrétion des molécules du bien-être et de l'empathie

Le contact doux, respectueux, favorise la sécrétion de molécules anti stress bienfaisantes comme l'ocytocine, les endorphines et la sérotonine, aussi bien chez la personne qui bénéficie de ce contact que chez la personne qui le procure.

L'ocytocine est la molécule de l'amour, de l'amitié. Elle participe au réconfort, diminue le stress, augmente le sentiment de bien-être, aide à percevoir les émotions, à coopérer, à avoir confiance.

Elle est sécrétée notamment lors de mots doux, de contact tendre, de bisous, d'intéractions harmonieuses, d'ambiance chaleureuse, de conversations agréables, d'échanges de regards bienveillants.

L'ocytocine nous permet d'être empathique car elle nous aide à décrypter l'expression des yeux du visage. Elle nous aide à créer des relations satisfaisantes, sans crainte.

Selon la psychologue Shamay Tsoory, elle aide l'adulte à décrypter les émotions de l'enfant, les interpréter correctement, y répondre rapidement et de façon appropriée.

L'ocytocine provoque la sécrétion de dopamine, qui aide à avoir du plaisir à vivre, de la motivation et de la créativité, mais également d'endorphine (la molécule du bien-être) et de sérotonine (permet de stabiliser l'humeur).

Ainsi, créer une relation bienveillante, chaleureuse avec l'enfant en fera un être motivé, curieux et créatif, qui a du plaisir à vivre, à découvrir et qui évolue positivement.

Encourager l'enfant active le système de motivation-récompense

Chaque fois qu'on fait quelque chose qui nous fait plaisir, le cerveau est récompensé par des endorphines et produit de la dopamine. Cela nous donne de l'allant, de la détermination pour nos objectifs et nos rêves.

Encourager, soutenir l'enfant quand il se montre plein de vie et d'initiatives active ce système. L'enfant est conforté dans son élan, ses projets.

5. Le cerveau de l'enfant ne peut pas se développer dans un environnement de stress

Le centre cérébral du stress, mature dès la naissance

L'amygdale cérébrale, qui fait partie du circuit émotionnel, déclenche les molécules de stress. Elle est capable de stocker de façon inconsciente tous les souvenirs de l'enfant pour le reste de sa vie.

L'enfant ne possède pas encore de structures cérébrales pour faire face au stress et à la peur

Notamment, le corps calleux qui réunit les deux hémisphères du cerveau n'est pas développé. L'adulte qui crie transmet directement son stress à l'enfant.

Les menaces, les gros yeux, les histoires qui font peur le terrorisent

La compétitivité, la comparaison avec d'autres enfants, les humiliations le stressent, ce qui bloque la sécrétion de dopamine.

La peur et le stress sont très néfastes pour le développement de la structure du cerveau

Quand on est stressé, le cerveau déclenche la sécrétion de cortisol à partir des surrénales. Le stress prolongé provoque la sécrétion de trop de cortisol, ce qui freine la multiplication des neurones de l'hippocampe et du cortex préfrontal, les réduit puis finit par les détruire.

L'enfant ne peut plus apprendre ni mémoriser car les circuits pour penser, apprendre, réfléchir, mémoriser, penser clairement sont perturbés ou inhibés.

Selon Martin Teicher, chercheur à Harvard, la maltraitance verbale ("tu es nul", "tu es insupportable" etc) et physique (gifles, fessées etc) durant l'enfance diminue le volume de l'hippocampe.

Le système sympathique du système nerveux nous prépare en temps normal à l'action. Lorsqu'on ne console pas un enfant, son système sympathique devient hyperactif et sécrète trop d'adrénaline. Les artères se bouchent alors, ce qui provoque de l'hyperactivité, de l'angoisse et de la colère.

La négligence, l'abandon précoce, les mauvais traitements physiques et / ou émotionnels (agression verbale, violence conjugale) sont catastrophiques pour le développement cérébral.

Selon Jeewook Choi, Ph.D. à la Harvard Medical School, les paroles blessantes, humiliantes, méprisantes, altèrent le fonctionnement des circuits neuronaux et de zones participant à la compréhension du langage. Elles provoquent des somatisations, des troubles anxieux, dissociatifs et des dépressions.

Le stress et les privations affectives des première années de vie provoquent de nombreux troubles de l'humeur chez l'enfant.

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Ceux-ci auront des répercussions sur sa vie d'adulte, avec une hypersensibilité au stress, des risques de délinquance, d'agressivité, de troubles de la personnalité, des manifestations anxieuses et / ou dépressives.

La sécrétion prolongée de cortisol durant l'enfance provoque également une modification du métabolisme de l'organisme et de l'immunité ainsi que des maladies chroniques (diabète, sclérose en plaque) et une diminution de l'espérance de vie.

La consommation de drogues, un moyen pour pallier un manque

Quand l'adulte n'a pas vécu une relation bienveillante et chaleureuse durant son enfance il peut chercher à pallier ce manque par les drogues car celles-ci ont pour effet d'activer le système de motivation-récompense.

Nous avons démontré que les mères stressées sont distraites, insensibles à leurs enfants et souvent assez dures à leur égard. De plus nos plus récents résultats montrent que cet effet peut se transmettre aux prochaines générations. Faire en sorte que nos mamans soient heureuses devrait être une priorité.

Michael Meaney

Professeur en Psychiatrie

En conclusion, l’enfance construit l’être humain, dans le bon sens et le mauvais sens. Elle est capitale dans la construction de la société toute entière. L'éducation actuelle n'a malheureusement visé le plus souvent que l'intellect.

On a oublié le corps, les émotions, l'affectif, alors qu'ils sont extrêmement importants.

Quand l'enfant n'a pas le bon environnement, l'adulte qu'il sera souffrira, ne s'épanouira pas et pourra être en proie à des troubles du comportement.

Être chaleureux avec l'enfant, lui donner confiance, l'encourager, le soutenir, avoir du respect et de la considération pour lui permettra de créer une atmosphère accueillante, sans stress, favorable à son épanouissement et à son apprentissage

Pour vous remercier d'avoir lu cet article jusqu'au bout, j'aimerais vous offrir cette Mind Map réalisée à la main pour vous aider à mémoriser les points abordés les plus importants  🙂

N'hésitez pas épingler l'infographie ci-dessous sur Pinterest si vous pensez qu'elle peut être bénéfique à d'autres parents et à partager l'article!

  • Perrine dit :

    Super article très bien résumé à imprimer et à distribuer en masse

  • eve dit :

    Super article merci, beaucoup d’adultes devraient se remettre en question et le système scolaire aussi sur certains points…

    • Samah dit :

      Avec plaisir, merci pour votre commentaire! Complètement d’accord! Je crois que nous oublions parfois (ou souvent!!) que nous avons nous-mêmes été des petits enfants fragiles, en grand besoin d’amour inconditionnel, de soutien et réconfort… ces résultats de recherches sont comme une piqûre de rappel 🙂

  • coco dit :

    intéressant donc ma fille autiste l’est par notre faute..merci beaucoup.

    • Samah dit :

      Bonjour chère Coco, je connais mal les causes de l’autisme et je suis convaincue que vous n’y êtes pour rien.

      En revanche je pense qu’un double défi se présente à vous: accompagner de votre mieux votre fille en tant qu’enfant et en tant qu’autiste.

      J’espère que cet article vous aura été utile pour mieux comprendre le fonctionnement de votre enfant, et c’est son objectif.

  • Tiffany dit :

    Bonjour 🙂 Super article, très intéressant à lire en tant qu’enseignante !

    Est-ce possible d’avoir les références scientifiques sur lesquelles vous vous êtes basée?

    • Samah dit :

      Bonjour chère Tyffany 🙂

      Je vous remercie pour votre commentaire et je suis très heureuse que des enseignants comme vous s’intéressent à cette question!

      En fait cet article se base sur une conférence (lien en début d’article) du Dr Catherine Gueguen au sujet de son livre « pour une enfance heureuse ».

      J’ai mis les références scientifiques évoquées dans la conférence mais pour plus de précisions et de références n’hésitez pas à consulter son ouvrage.

      Belle journée <3

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